mercredi 29 novembre 2017

1957 Le journal de Tintin

1957 Le journal de Tintin


Le journal de Tintin, « le journal des jeunes de 7 à 77 ans », aligne depuis ses débuts, en 1946 en Belgique et en 1948 en France, des séries prestigieuses. Pourtant, son tirage frôle seulement les 200 000 exemplaires. C’et loin derrière Le Journal de Mickey (633 000), L’Intrépide (260 000) mais c’est proche de  Vaillant (211 000) et c’est presque le double de Spirou (108 000 exemplaires).    
Le rédacteur en chef est Nicolas Goujon (pour l’édition française),  André Fernez (pour l’édition belge).


Hergé poursuit la publication des « Aventures de Tintin », Coke en stock commencée en 1956 et qui occupe toute l’année la dernière page doit se poursuivre en 1958 pour que l’épisode soit complet. En co-production, les studios belges Belvision et la R.T.F. française produisent le feuilleton télévisé Le Sceptre d’Ottokar, commenté par Jean Nohain.   
Edgar P. Jacobs continue de publier textes et dessins de L’Énigme de l’Atlantide, épisode passionnant des aventures de Blake et Mortimer, une fois de plus en butte aux actions malfaisantes d’Olrik.
Alix l'intrépide de Jacques Martin se heurte aux manigances d’Arbacès dans La Tiare d’Oribal. Bob et Bobette (et M. Lambique) de Willy Vandersteen, dans Les Masques blancs affrontent des géants. Vandersteen propose aussi Les Aventures de son Altesse le prince Riri
Raymond Macherot, en cette année 1957, est très présent dans Tintin. En plus de sa superbe série animalière, Chlorophylle et Minimum, entrée dans Le Bosquet hanté, avant de connaître Les Croquillards, Raymond Macherot crée Le Père Lahoule, un étrange marin, et dessine Prudence Petitpas, une mamie détonante créée par Maurice Maréchal, secondé au scénario par René Goscinny.  


Franquin qui vient de créer Gaston Lagaffe en février dans Spirou continue dans  Tintin d’animer le duo hilarant de Modeste et Pompon en étant lui aussi secondé par René Goscinny et Greg. Tibet propose deux épisodes de son western comique « Les Aventures de Chick Bill le cow-boy » : Les Deux visages de Kid Ordinn et La Bonne mine de Dog Bull. Jean Graton, déjà présent dans de courtes BD sur l’automobile, commence en fin d’année une aventure de Michel Vaillant. Notons quelques pages de Monsieur Troc part en voyage, une BD de Bob de Moor sur un scénario de René Goscinny qui scénarise aussi le Signor Spaghetti dessiné par Dino Attanasio.
Une bande dessinée rarement citée s’intitule Le Roman de Charlemagne. Le texte est de Chad Varah et les dessins de Norman Williams. Des récits surtout écrits par Yves Duval sont illustrés par René Follet et Henri Ghion.
Il faudrait encore citer Les Aventures de Dan Cooper de Weinberg (Le Mur du silence, Opération Jupiter), Harald Le Viking de Fred et Liliane Funcken (La Lueur verte),  Pom et Teddy de François Craenhals qui réalise textes et dessins (Le Secret de Balibach), Jari et le champion, le joueur de tennis de Raymond Reding, Arnoul le croisé de Galand, les récits complets en B.D. 


Le journal de Tintin qui accorde une grande place aux sports publie des numéros spéciaux sur l’automobile (fort nombreux) et les pages de « Tintin-Actualités » et la rubrique Ça c’est du sport est animée par Jean Graton qui fait déjà entrer Michel Vaillant dans des histoires courtes (par exemple dans Clé de douze le 12 décembre 1957).
Notons encore, sur un scénario de René Goscinny, une courte histoire de l’Indien Wa-Pi-Ti du dessinateur Rol. (l’auteur de Chocorêve).
Pour tenter d’amadouer les censeurs, surtout ceux qui veulent porter atteinte à l’exportation des bandes créées hors de France (même s’il s’agit de pages francophones), le journal de Tintin publie quelques rubriques qui se veulent éducatives comme L’Histoire du monde de Schoonjans, illustrée par les Funcken, une page illustrée par René Leloup et rédigée par Louis Gernay est dédiée à Science et aventure. 1957 étant l’année géophysique, l’événement est traité dans trois numéros.   





mardi 28 novembre 2017

1957 Le journal de Spirou

1957 Le journal de Spirou

Chez Dupuis, le journal de Spirou a bénéficié de progrès techniques dans l’impression, annonçant « 32 pages en vraies couleurs » le 28 mars 1957. Il augmente sa pagination, son format (et son prix). On y trouve des séries mémorables grâce à des scénaristes et dessinateurs de grand talent, à l’époque ignorés par les adultes obsédés par un seul fait : l’occupation de la majorité des pages par la bande dessinée.


Pour Lucky Luke (sans que la mention en soit faite dans le journal), après l’épisode Lucky Luke contre la bande Joss Ramon, Morris a pour scénariste Goscinny quand il dessine Les Cousins Dalton et Le Juge. Buck Danny, l’aviateur dessiné par Victor Hubinon et scénarisé par Charlier, après Le Tigre de Malaisie, aborde un thème obsédant à cette époque dans S.O.S. Soucoupes volantes. Tif et Tondu de Will et Rosy poursuivent leurs aventures dans Plein gaz. Spirou, toujours entre les mains du génial André Franquin termine sa rencontre avec Le Voyageur du Mésozoïque avant de connaître, avec Fantasio, des Vacances sans histoires.
Le fait marquant de l’année c’est évidemment la création, d’abord discrète le 1er mars 1957, par Franquin de l’indispensable Gaston Lagaffe dont on imaginait pas à l’époque le succès fabuleux et mérité qu’il obtiendrait. 


Les Belles Histoires de l’Oncle Paul lancées par Charlier (mais aux auteurs multiples), pour leur côté éducatif font taire les censeurs. Autres rubriques qui se veulent éducatives, Le Coin des petits curieux, une page agréablement illustrée et Les Nouvelles du monde entier. Après l’épisode La Flèche noire, Peyo envoie Johan et Pirlouit chez Le Sire de Montrésor,  juste avant l’épisode Le Serment des Vikings.
Sirius (Max Mayeu) continue la superbe série de Timour (Le Gladiateur masqué), série appelée Images de l’Histoire du monde. Il poursuit ainsi l’Histoire depuis l’Antiquité à travers les générations successives du jeune homme aux longs cheveux roux.


Jerry Spring, superbe western de Jijé, lancé en 1954 se poursuit avec Enquête à San Juan. Mais pour l’épisode suivant, Les Trois barbus du Sonoyta, il a choisi comme scénariste Jean Acquaviva, un des piliers du journal Bayard, (mais les lecteurs de Spirou l’ignorent) Quand s’achève Valhardi contre le soleil noir, Jijé introduit encore Jean Valhardi dans L’Affaire Barnes.
Après Sur la piste de Mowgli, les amateurs de scoutisme retrouvent La Patrouille des Castors de MiTacq et Charlier dans La Bouteille à la mer, au Groenland.
Jidéhem commence à illustrer la chronique de Starter et certains décors de Franquin.
La disparition de l’éphémère et étonnant journal Risque-Tout, après 50 numéros, n’est pas totale puisque des héros lui survivent. Maurice Tillieux y avait créé Marc Jaguar. Il est remplacé dans Spirou par Gil Jourdan luttant bientôt contre Le Gang de la cocaïne. Tom et Nelly « Enfants du siècle » de Bielsa et Joly réapparaissent dans Soleil levant contre aigle noir et Terreur à San Francisco. Alain Cardan de Gérard Forton renaît comme Citoyen de l’espace.
Il faudrait encore citer Thierry le chevalier de Charlier et Laffond dans Le Chevalier sans nom, Les 3 J par Luca,  Bobosse de Remacle dans Les Évadés de Trifouillis, Les Trois J de Luca, les aventures de Guy Pingaut, le nouveau héros de Gérald Forton…





lundi 27 novembre 2017

1957 Monjoie ! Saint-Denis, un récit conventionnel de Louis Saurel

1957 Deux romans historiques : Colin Lantier de Jean OLLIVIER et Montjoie ! Saint Denis ! de Louis SAUREL

II Montjoie ! Saint-Denis de Louis Saurel, un récit conventionnel trop étalé dans le temps

Le roman de Louis Saurel est bien différent de celui de Jean Ollivier, malgré certains points communs.
L’action s’étire de 1415, année du désastre d’Azincourt, à 1429 lorsque la Lorraine Jeanne délivre Orléans. 


Vincent de Chauvigny, comme Colin Lantier, est un jeune homme d’une quinzaine d’années « de bonne taille, svelte, au corps souple, nerveux et déjà musclé ». Orphelin de père mais déjà écuyer, il est élevé par le seigneur François de Villiers, dans son château de Montfort, au sud d’Auxerre. Parfait cavalier, bon escrimeur, tenace et courageux, Vincent de Chauvigny se montre habile au jeu viril de la quintaine.


Mais le pays est troublé par la querelle des Armagnacs et des Bourguignons qui, depuis sept ans, profitent de la faiblesse du pouvoir royal pour entretenir la guerre civile.
Le sire de Joigny vient à Montfort pour informer François de Villiers que le roi Henri V d’Angleterre a débarqué en Normandie à la tête d’une grande armée. Vincent dont le père était vassal du comte d’Auxerre, désireux de combattre, peut accompagner Joigny. Avec Gérard Hervaux, le valet de Joigny, il part vers Paris. Au cours de la traversée de la forêt de Bière, des brigands attaquent. Joigny est blessé à la poitrine, son cheval est mort et Chauvigny, faisant front tout en protégeant son cheval Ardent, est blessé à la cuisse. Le trio se retrouve à l’auberge de La Butte Saint- Louis de Bois-le-Roi où un barbier soigne les blessés.


Après plusieurs semaines, ayant appris que le roi d’Angleterre avait fait le siège de Harfleur, le trio rétabli se dirige vers Rouen et retrouve le comte d’Auxerre, en compagnie du sire de Méricourt qui sympathise avec Vincent.
Aux côtés d’une armée désordonnée et des chevaliers bourguignons, Joigny, Vincent et Philippe de Méricourt montent vers la Somme  où Henri V d’Angleterre a massé dix mille hommes sur les hauteurs dominant la plaine boueuse d’Azincourt. Les Anglais plantent de gros pieux en avant de leur camp et attendent. 


Sous la pluie, les Français restent toute la nuit, en selle, dans leur bourbier, avec leurs lourdes armures sur leurs chevaux enlisés. Il fut facile aux archers anglais, depuis leur butte protégée, de cribler de flèches chevaux et seigneurs paralysés sur leurs montures. Chauvigny et ses compagnons sont placés à l’aile droite sur une prairie où un feu est allumé. Ils combattent. Claude Joigny et Gérard ont disparu sur le champ de bataille. Méricourt est grièvement blessé. Mourant, il demande à Vincent de donner une bague au comte Bertrand d’Armagnac et de l’informer de l’ampleur de ce désastre et du massacre de l’armée française le 25 octobre 1415. Ce qui fut fait dans le palais de Charles VI à Paris où Vincent est écoeuré par la continuation de la haine en Armagnacs et Bourguignons comme si personne ne se souciait du royaume de France.              
Le comte d’Armagnac devenu connétable charge Chauvigny d’une mission de reconnaissance dans l’enceinte de Paris. Il découvre des villages dévastés et les soldats Armagnacs et Gascons qui l’accompagnent se vantent sans vergogne d’avoir embrasé ces villages et massacré la plupart des habitants. A sa grande surprise, Chauvigny retrouve Claude Joigny et Gérard qui ont échappé à un massacre de prisonniers et lui apprennent que l’armée d’Henri V s’est rembarquée à Calais. Quelque temps plus tard, Vincent de Chauvigny et Claude Joigny participent en vain à l’assaut des Anglais à Harfleur. En 1416 l’empereur Sigismond d’Allemagne s’allie à Henri V et lui reconnaît tous les droits à la couronne de France.
Un jour, dans la rue, Chauvigny sauve le jeune Breton Antoine Robin des griffes des Gascons et de la potence.
Un an plus tard, le Dauphin Jean de Touraine s’éteint. Charles, troisième fils de Charles VI  devient Dauphin à 14 ans. Chauvigny et Joigny sont sidérés par sa laideur et son aspect chétif et souffreteux. Or, deux mois plus tard, Henri V reprend sa guerre contre Charles VI alors que barons et chevaliers français sont morts à Azincourt. La guerre civile continue et la reine Isabeau de Bavière exilée à Tours et qui ne songeait qu’à ses plaisirs crée un gouvernement hostile à celui de son fils avec l’aide des Bourguignons.
En ami 1418, les Bourguignons entrent dans Paris. Chauvigny, Joigny, Gérard et Robin se dirigent vers l’hôtel Saint-Paul pour secourir le Dauphin. Les Gascons viennent aussi soutenir le duc de Touraine. Le dauphin et son petit escadron doivent affronter des fantassins bourguignons mais les cavaliers du prévôt de Paris Tanguy du Châtel viennent en renfort. Quand le dauphin est à nouveau menacé par les Bourguignons,  en criant « Montjoie ! Saint Denis ! », Chauvigny s’élance et dégage le Dauphin. Tanguy du Châtel, émerveillé par tant de bravoure, adoube lui-même sur le champ Vincent ainsi accueilli dans l’ordre de la chevalerie avant que le Dauphin ne gagne Melun.    

     
Bertrand d’Armagnac n’a pas pu fuir et il a été égorgé. Plus tard, Tanguy du Châtel a été tué par le duc de Bourgogne. Jean Sans Peur ayant été égorgé lui aussi par Tanguy du Châtel, son fils Philippe le Bon s’allie aux Anglais. Sous l’impulsion d’Isabeau de Bavière un honteux traité est signé le 21 mai 1420 entre Charles VI, Henri V et le duc de Bourgogne. Isabeau et le duc livrent la France aux Anglais.   
En septembre 1420, une troupe de 400 hommes commandée par Vincent de Chauvigny quitte Bourges pour Orléans. Dans la ville, les cavaliers  dispersent ou massacrent les « misérables routiers » qui s’en prenaient à la veuve de Philippe de Méricourt et à ses enfants. La veuve se félicite de rencontrer celui qui a assisté son mari, mort dans ses bras. Elle va accompagner la troupe vers Melun mais reste à Pithiviers où Geneviève de Méricourt remet une médaille de Saint Michel à Vincent qui ne tarde pas à apprendre que Melun est tombée.
Henri V et Charles VI décèdent en 1422. Le dauphin devient donc Charles VII et Chauvigny jouissant d’un grand crédit à la cour est chargé d’annoncer à Marie d’Anjou qu’elle est reine de France. Quittant Bourges, Chauvigny en profite pour se rendre chez la baronne de Méricourt.  Il y rencontre Geneviève devenue une belle jeune femme à qui il déclare sa flamme.
En mars 1425, Yolande d’Aragon, « reine de Sicile » et mère de Marie d’Anjou conseille au roi de choisir Arthur de Richemont comme nouveau connétable. Il accepte.
Vincent de Chauvigny participe à un tournoi après avoir fixé à son casque un « gage d’amour » de Geneviève de Méricourt. Malgré une blessure au défaut de la cuisse, il gagne le tournoi.
Malheureusement, Georges de la Trémoille, nouveau favori du roi, fastueux et brutal, fait exiler le connétable de Bretagne. Le roi, abandonné de ses courtisans, n’est plus souverain que de nom. Les Anglais s’emparent de l’Anjou et du Maine. Madame de Méricourt et Geneviève doivent quitter la cour pour le duché d’Orléans.     
Six mois plus tard, Chauvigny arrive à Loches et apprend le départ de sa chère Geneviève. Il se rend chez le roi avec Marie d’Anjou et tous deux arrivent à le convaincre, malgré La Trémoille goguenard, d’attendre la venue de Jeanne la Pucelle et de rester dans le royaume de France.  A Orléans, Chauvigny retrouve Geneviève au chevet des blessés. Il revoit aussi Joigny qui s’est marié et Gérard Hervaux.
En février 1429, bourgeois et chevaliers d’Orléans et troupe du comte de Clermont veulent s’emparer d’un convoi de harengs destiné aux Anglais. Mais dés qu’il apprend que Dunois commande  les gens d’Orléans, Le comte de Clermont, jaloux, attaque en désordre à Rouvray les Anglais qui criblent de flèches les assaillants. Dunois évite seulement la panique mais « La Journée des harengs » est une défaite qui provoque le départ des nobles.
Un soir que Chauvigny ordonnait un tir de bombardes sur une bastille anglaise, les cloches annoncent l’arrivée de Jeanne par la porte de Bourgogne. La jeune fille ne tarde pas à attaquer mais elle est blessée d’une flèche. Robin, le valet de Chauvigny, se sacrifie pour son maître en se plaçant devant lui et meurt. Les Anglais, découragés, quittent Orléans et Vincent et Geneviève se marient à la cathédrale Sainte-Croix mais le combat continue pour bouter les Anglais hors de France.

Ce récit de Louis Saurel perd de son intérêt quand l’action s’étire au fil d’une quinzaine d’années. Bien sûr, on retrouve les scènes classiques du jeu de la quintaine, de l’adoubement, du siège d’une ville. La bataille d’Azincourt est bien évoquée mais il était inutile d’ajouter d’autres faits prétendument historiques. Les personnages sont trop nombreux et trop fugacement décrits pour qu’on s’y intéresse vraiment. Le roman magnifie surtout les actions des chevaliers (encore que les trahisons et les coups tordus ne manquent pas), alors que le peuple est bien souvent ignoré, voire méprisé. Par exemple, quand Chauvigny demande à la soldatesque ce que sont devenus les vilains des villages embrasés et qu’un crétin digne d’un cul de basse-fosse lui répond qu’ils ont été « branchés ou jetés à la Seine », Chauvigny, bien qu’indigné, « jugea cependant préférable de ne rien dire » !


(Rappelons que les violences des récits historiques "passent" beaucoup mieux que celles du western ou d'autres genres ciblés par les censeurs de la loi de juillet 1949 !)     
En outre, Louis Saurel semble prendre beaucoup de libertés avec la vérité historique.
Ce qui est finalement, le plus intéressant, ce sont les illustrations évocatrices et soignées de Pierre Joubert.  



1957 Colin Lantier de Jean OLLIVIER ou la défense des Jacques

1957 Deux romans historiques : Colin Lantier de Jean OLLIVIER et Montjoie ! Saint Denis ! de Louis SAUREL

Ces deux romans de Jean Ollivier et Louis Saurel publiés en 1957 ont en commun de situer leur action au moment de la Guerre de Cent ans (mais avec un écart considérable de six décennies). Ils mettent tous deux en valeur des jeunes gens vigoureux, hardis et fougueux que l’action guerrière va transformer peu à peu en hommes d’action même s’ils restent fidèles en amitié. Mais ces deux récits fort différents défendent des idéologies opposées, des intérêts et des catégories sociales bien différentes, voire opposées. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Colin Lantier, illustré par Daniel Billon, est publié dans la collection « Mille épisodes » des éditions communistes La Farandole et si Montjoie ! Saint Denis !, illustré par Pierre Joubert, est édité dans la collection Jean-François des éditions catholiques Fleurus associées à Gautier-Languereau.

I Colin Lantier de Jean Ollivier ou la défense des Jacques



En l’an 1358, dans la ville de Paris, le prévôt des marchands Etienne Marcel, soutenu par les bourgeois et les métiers, a fait fuir le dauphin Charles à Compiègne mais la situation reste confuse. Le roi fourbe Charles de Navarre refuse la couronne de France que lui propose Etienne Marcel, tout en restant l’ennemi du dauphin. En fait, on le soupçonne de vouloir livrer Paris au roi d’Angleterre.    
Le Parisien Colin Lantier est, au printemps 1358, un jouvenceau de 15 ans et le fils d’un enlumineur. Orphelin de mère, il est déjà un archer habile comme il le prouve en atteignant mieux sa cible que le capitaine des archers du guet royal Gautier Malleraie. Il est prompt à défendre l’injustice et à apporter son aide aux hommes libres comme au Compiégnois Audry. Venu à Paris pour rencontrer le prévôt Etienne Marcel, Audry a réussi à échapper, malgré une blessure, aux hommes de Malleraie.
Réfugié dans l’église Saint Séverin, Audry apprend à Colin le drame des paysans attachés à la glèbe et la dure vie de la campagne alors que les gens « habitaient des cabanes noires où les enfants grandissaient comme des bêtes ». Mais le fourbe sacristain Jauneau informe Malleraie de la cachette du blessé. Malleraie et ses hommes, déjà rossés par Audry, se rendent à l’église. Le bûcheron de Compiègne, réfugié dans un escalier, se défend vaillamment malgré sa blessure et reçoit l’aide de Colin qui atteint d’une flèche Malleraie sous l’omoplate et fait fuir ses acolytes. 
Soutenu par Colin, Audry parvient à rencontrer Etienne Marcel pour l’entretenir du sort des laboureurs et paysans de Ribécourt, dans l’Oise, à la fois victimes du seigneur, de l’Anglais et des troupes du dauphin. Audry comprend vite qu’il n’y a rien à attendre de Marcel méprisant les choses de la terre. Le hors la loi convaincu que la liberté se gagne avec l’arc et les flèches quitte Colin qui retrouve son père inquiet mais fier de son fils.
Il croit le protéger en l’envoyant chez son frère Louis à Saint-Leu-de-Serans. Sur la route, il faut éviter les cavaliers anglais et Colin découvre les ravages de la guerre, les champs désolés, les toits de chaume crevés et la colère des hommes contre les puissants…


Tandis que Colin s’est endormi dans un arbre de la Croix des hêtres, son oncle Louis a quitté son village pour assister au rassemblement des villageois prévu dans cette forêt qui se peuple peu à peu des vilains venus de tous les villages environnants du Beauvaisis. Un homme nommé Guillaume Carle dont les enfants ont été pris par le seigneur  appelle à la révolte et à l’incendie des châteaux. Colin descendu de son arbre se joint à l’assemblée qui, en apprenant l’incendie du village de Précy, décide de marcher sur Cramoisy dont le seigneur Robert a fait brûler toutes les maisons et fait main basse sur le bétail. Bûcherons porteurs de fagots et laboureurs manoeuvrant un énorme bélier, s’avancent vers le castel en dépit des flèches et des pierres jetées des murailles. Les Jacques  pénètrent dans la cour et le fer des cognées heurte le fer des épées. Le sire de Cramoisy est tué et la flamme dévore les archives puis tout le château de Cramoisy.
Au château de Compiègne, le dauphin Charles dont le père est prisonnier dans Londres s’ennuie. Il reçoit la visite de Gaultier Malleraie qui l’informe qu’Etienne Marcel occupe Le Louvre et lui conseille de battre Charles de Navarre sur son propre terrain, celui de la duplicité.
Le capitaine Pied-de-Fer et ses cavaliers s’en prennent aux Jacques qu’ils criblent de flèches avant leur fuite vers la forêt. Colin retrouve Audry qui l’engage dans sa troupe avec l’assentiment de Guillaume Carle. Le soulèvement des paysans prend son essor et vole de village en village et la révolte gonfle tandis que des castels tombent et flambent de l’Yonne à la Somme.


Avant de s’attaquer au château de Mello, Colin propose de s’approcher seul du castel, seulement suivi de loin par le gros Verneuil. Mais le jouvenceau est surpris par les hommes de Malleraie et emmené devant le baron de Mello qui consent à le faire pendre. Dès le lendemain, Colin est conduit au gibet. Prévenus par Verneuil, Les hommes d’Audry, lui-même étant caché dans le clocher de la chapelle, lancent leurs flèches de tous côtés sur la garnison du château dont les portes sont fermées de l’extérieur. Des flèches enflammées mettent le feu partout tandis que Colin se réfugie dans la chapelle. Grâce à un souterrain, tous les Jacques fuient tandis que le château continue de brûler.


La ville de Meaux dont le marché est prospère a été prise par les Jacques grâce aux manoeuvriers qui leur ont ouvert les portes. Mais les cavaliers du comte de Foix ont vaincu, pillé et massacré la population de la cité mal gardée. Audry et Colin qui se dirigent vers cette ville découvrent avec surprise depuis une crête que plus de vingt brasiers sont allumés. Dès lors, Colin, l’ancien garçon enthousiaste est transformé en un adolescent révolté. Normandie et Flandre, Picardie et Angleterre, dauphin et Navarre sont réconciliés pour s’en prendre au peuple. La guerre paysanne a fait nombre de victimes et Etienne Marcel n’a pas tenu ses promesses et n’a rien fait pour aider les villageois. Guillaume Carle, trompé par Navarre qui a fait attaquer traîtreusement les Jacques, est capturé et chargé de fers avant qu’on le torture et qu’on lui tranche la main puis la tête. Deux flèches tirées par Audry et Verneuil traversent le corps de Gaultier Malleraie. Colin décide de continuer la lutte contre l’injustice des grands.                                            

Ce récit extrêmement évocateur est bien écrit. Jean Ollivier possède un art de conter qui lui permet d’insérer ses personnages dans un cadre crédible, tantôt urbain, tantôt rural,  parmi une faune et une flore qu’il connaît parfaitement. Ce roman d’aventures sur fond historique est toujours vivant tant il restitue les usages de l’époque et le sort peu enviable du peuple maltraité.      
L’auteur traitera le même thème de la révolte des Jacqueries en 1983 dans l’ouvrage Debout les Jacques ! également publié à La Farandole.  




lundi 13 novembre 2017

1957 Jean GIRAUD auteur et illustrateur dans Âmes Vaillantes


1957 Jean GIRAUD, auteur et illustrateur dans ÂMES VAILLANTES

Puisque le nom de Jean Giraud semble susciter un vif intérêt (mais pas encore de commentaires !), donnons quelques exemples de sa participation à l’hebdomadaire Âmes Vaillantes en 1957. 




Petit aperçu sur l’hebdomadaire en 1957 

Après les temps troublés de la guerre, Âmes Vaillantes ne reparaît que le 29 septembre 1946. Le journal attend 1957 pour consacrer des « pages pour les grandes », dans « Farandole, le magazine des grandes ». Pieuses hagiographies, récits illustrés et romans moraux réapparaissent et l’hebdomadaire semble moins attrayant que son homologue masculin Cœurs Vaillants.
Pat et Moune de François Bel, proche de la ligne claire de Hergé, déjà présent en 1947 revient dès le 1er numéro de l’année 1957 avec la bande dessinée Le Centaure de Mykonos, avant Le Roc de la Morisque. Des  illustrateurs de talent sont toujours là. Signalons le trait malicieux mais valorisant d’Erik (André René Jolly), très présent au cours des années 50 puisqu’il y développe les aventures du détective féminin Finette et de son chien Teuf-teuf (en 1950). Il occupe généralement la dernière page en couleurs avec ses joyeuses bandes dessinées. Le chien Teuf-Teuf devient volontiers détective et enchaîne les enquêtes.
Robert Rigot n’est pas présent cette année avec sa série Chantal et préfère créer en 1958 Anaïs du Far-West. Notons les participations de Marie-Madeleine Bourdin signant Marie-Mad sa bande enfantine, Titounet et Titounette (1957), du scénariste Guy Hempay, des dessinateurs Pierre Brochard, Bussemey, Pierre Chéry, Hidalgo, Manon Iessel, Giannini, Jean-François Guindeau, Janine Lay, Monzon, Pierdec… Noël Gloesner (1917-1995, très actif chez Fleurus de 1945 à 1985) ), illustre en 1ère page L’Urganda, yacht fantôme de Georges Travelier (Georges Bayard), avant d’illustrer S.O.S Pikkolo, sur scénario du même Georges Travelier en 1958.
Robert Moreau (futur créateur de l’éléphant Trompette et de bandes humoristiques, souvent animalières) crée joyeusement l’Indien Porte-Plume et le chat Mistigri

              Illustration : Alain D'ORANGE

Si peu d’illustrateurs savent à l’époque mettre en valeur la beauté féminine, signalons le graphisme, empreint de fraîcheur et de gaieté d’Alain d’Orange (né en 1923 et entré à l’Union des Œuvres en 1950). Il est l’auteur de nombreuses couvertures. Tout en animant fort longtemps, dans les pages centrales, Viviane et sa bande, l’omniprésent Alain d’Orange illustre aussi de nombreux récits, comme Kakemono, Le Chevalier d’argent ou, écrit par Henriette Robitaillie, Marjolaine et Andrée, le singe et l’espion (1957). Comme il s’intéressait à la mode, il représente avec goût les toilettes, les coiffures des jeunes filles, en minimisant la caricature.
Le journal est l’instrument de prépublications pour les romans généralement édités dans la collection "Monique" (coéditée avec Gautier-Languereau, comme L’Onagre d’argent et Les Sorcières de la mer de L.N Lavolle (Hélène Chaulet).   
En 1957, Âmes Vaillantes, comme les autres journaux Fleurus, perd son grand format 28 sur 38 cm et augmente son nombre de pages.

            Jean Giraud,  illustrateur dans Âmes Vaillantes

Jean Giraud qui a déjà publié deux récits complets en 1956 dans l’hebdomadaire fournit 9 illustrations de style et de qualité variable en 1957.




Dans le n° 21, il fournit deux dessins pour La Tombola des poupées de P.E. Abrioux.
Dans le n° 22, c’est encore deux dessins qui agrémentent Le Sacrifice du trappeur de Marie-Madeleine Dubreuil, laquelle bénéficie encore, dans le n° 24 de cinq dessins pour Le Modèle inconnu, deux pour Deux peintres (Hals et Van Dyck) et une page d’illustrations pour Le Jeu des petits indiens.
Deux dessins illustrent Peuple du vent et de la route, signé Marylen, dans le n° 27.
Sur la route du berger, dans le n° 38, bénéficie de trois dessins, Jeux d’automne (n° 44), d’un dessin. En revanche, les Etrennes de jadis d’Albert Joannis, dans le n° 52, est agrémenté de cinq dessins superposés et muets non signés.
      
     
Giraud illustre trois récits complets cette année-là :
-          Mitoha la petite indienne (n° 29, scénario : Gir)
-          Aventure au pays des trappeurs (n° 43, scénario : Gir)
-          L’Intrépide Mamita (n° 46, scénario : Marie-Madeleine Dubreuil)


(Renseignements fournis par la revue HOP ! n° 100 de décembre 2003)

Jean Giraud poursuivra sa collaboration avec les trois journaux Fleurus en 1958.  


dimanche 12 novembre 2017

1957 Jean GIRAUD, illustrateur chez Fleurus

1957 Jean GIRAUD, illustrateur chez Fleurus

Le génie protéiforme de Jean Giraud ne se contente pas de se manifester (dès 1956), dans les trois journaux des éditions Fleurus : Cœurs Vaillants, Ames Vaillantes et Fripounet et Marisette.
En 1957, aux Editions Fleurus, Giraud participe à l’illustration d’un ouvrage documentaire de la nouvelle collection « Euréka » : Hommes et cavernes de François Desprez. Le nom de l’auteur du texte ne figure pas sur la couverture et le nom de jean Giraud n’apparaît que sur deux pages de dessins, même si le dessinateur en a illustré au moins quatre, sans compter d’autres dessins additionnels non signés.
Le livre est en outre abondamment illustré de photographies en noir et blanc, variées et bien choisies, souvent fournies par le Musée de l’Homme.


Intitulé Hommes et cavernes Nos ancêtres il y a 20 000 ans, le documentaire tente de faire le point, dans un langage accessible à la jeunesse, sur les « extraordinaires découvertes » dans le domaine de la Préhistoire, survenues de 1833 (découverte de la Grotte aux ossements « bois de daim » à Veyrier en Haute Savoie) à 1950 (découverte de la grotte du renne ou  du mammouth à Arcy-sur-Cure dans l’Yonne).

    
Selon François Desprez, « Les savants ont assemblé des ossements, des objets bizarres, des milliers de pierre taillée… Et, à force de travail, ils sont arrivés à reconstituer la vie de nos ancêtres d’il y a vingt mille ans : des hommes qui, en fait, sont plus proches de nous qu’on ne l’imaginait tout d’abord. »


Évidemment, ce livre fait le point des connaissances dans les années 50. Il ; décrit la vie quotidienne de l’Homme d’il y a 20 000 ans, tente une histoire de la préhistoire, évoque la « religion » de l’époque et les travaux de ses grands artistes. Le livre de complète d’un Petit Index de la Préhistoire avec cartes, sites et mots-clés.


Durant les six dernières décennies, les progrès effectués dans le domaine de la Préhistoires ont été gigantesque. La science progressant généralement par destruction de certaines connaissances antérieures, je me garderai bien de dire si l’ouvrage garde encore aujourd’hui une valeur historique. Ce qui m’intéressait, c’était de voir que Jean Giraud, que l’on cantonne souvent dans les domaines du western ou de la science-fiction, ne dédaignait pas l’approche d’autres domaines.

Toujours chez Fleurus, associé à d’autres éditeurs, mais plus tard, Jean Giraud illustre deux romans :
Sept  filles dans la brousse de Phyllis P. Power, collection « Monique », chez Fleurus-Mame en 1958. (Couverture et 11 illustrations)


Amérique An Mille de Georges Travelier (alias Georges Bayard), collection « Jean-François, Fleurus-Gautier-Languereau, en 1959. (Couverture et 7 illustrations. 4 autres illustrations sont de Guy Mouminoux).