lundi 30 octobre 2017

1957 Jean OLLIVIER et Roger LECUREUX, scénaristes prolifiques du journal VAILLANT

1957 : Jean Ollivier et Roger Lécureux, piliers du journal Vaillant

Vaillant, hebdomadaire soutenu par le parti communiste, affiche un tirage très honorable (plus de 210 000 exemplaires en 1957) et bénéficie de séries prestigieuses, la plupart étant réalisées par des auteurs français. Ce qui surprend pour un journal qui s’adresse aux classes populaires, c’est de constater qu’un exemplaire du journal coûte 50 francs (le double du prix de Bayard) mais le journal est passé de 16 à 32 pages. Il n’est pas étonnant qu’il y ait plus de 40 % d’invendus malgré le dévouement des jeunes diffuseurs (54 % à Paris, 44 % en province, réutilisés pour des recueils de 13 numéros chacun ou revendus à la poignée, par exemple, pendant le Tour de France).  
Vaillant qui se revendique comme « le journal le plus captivant » (ou, sur la couverture de ses reliures, « le plus bel illustré de la jeunesse », conserve pour plusieurs années encore son grand format 28 sur 38 cm. (Est-ce ce grand format qui a retardé la publication d’albums ou la volonté de se distinguer de la presse dite « commerciale » ?)
Pour nous attarder sur deux chevilles ouvrières du journal, passons rapidement sur les autres bandes dessinées présentes en 1957, malgré le vif intérêt qu’elles suscitent. Le western Sam Billie Bill est dû à Lucien Nortier (1922-194) qui dessine en 1957 deux épisodes : Les Loups de Black-River et Les Trafiquants du Saskatchewan. Des adeptes passionnés de comique dévorent toujours Placid et Muzo, l’ours et le renard conçus par José Cabrero Arnal (qui signe Claude Arnal) et Pierre Ollivier et dessinés dès 1946, Pif  le Chien, créé par le même Arnal et repris par Roger Mas, Arthur le Fantôme justicier de Jean Cézard et La Pension Radicelle d’Eugène Gire, cocasse et délirante, bien mise en valeur par les pages grand format. N’oublions pas le pilote de chasse Bob Mallard de Bourdens et Yves Roy (Francis Hidalgo) et la bande sportive Rouge et Or de Raymond Poïvet. La place manque pour évoquer Rouc et Rou de Chéry, Gil Bagout de Godard, Le Roman de Renart illustré par Jean Trubert, tous les textes (en particulier sur les sportifs, boxeurs, coureurs cyclistes et champions divers) et les nouvelles …
Peut-être pour concurrencer Le Marsupilami de Franquin, Monzon a créé les étranges  Group-Group et Cha’Pa que l’on retrouve dans Le Mystérieux professeur Z.O.
La bande dessinée de Jean Tabary Rififi, détective privé (L’Évadé) doit être interrompue avant son dénouement et remplacée par Richard et Charlie, détective à cause des réactions scandalisées de certains parents. Le plus amusant, c’est que ces réactions apparaissent  dans la dernière page de la bande début août 1957. Le rédacteur déclare : « Je vous ai demandé des aventures fraîches ! saines ! gaies ! et non des coups de révolver à tout bout de champ ! Trop bagarreur ce Rififi ! Trop méchant ce bulldozer. Ce ne sont pas des histoires pour enfants ! »     

         Jean OLLIVIER

 
Si les scénaristes et dessinateurs talentueux sont fort nombreux, deux noms s’imposent davantage que les autres par leur omniprésence et leur créativité. Il s’agit du scénariste et écrivain Jean Ollivier, en 1957, encore rédacteur en chef du journal et du scénariste Roger Lécureux qui prend en 1958 la succession d’Ollivier au poste de rédacteur en chef.
Jean Ollivier (1925-2005) qui publie cette année-là les romans Colin Lantier (La Farandole, un extrait de ce roman moyenâgeux remarquablement bien écrit  figure dans le n° 624 du 24/4/57) et Le Mercure d’or (Dauphine, G.P.) est le scénariste des bandes Yves le Loup (La Cité de feu, La Tour des cent vaillances) pour deux épisodes dessinés par René Bastard (1900-1975), Davy Crockett (La Flèche vermeille, Un coup d’audace, Mississipi, La Vallée de la peur), quatre épisodes mis en images par Eduardo Teixeira Coelho (1919-2005), alias Martin Sièvre quand il dessine la saga de Ragnar le Viking (La Saga du trésor) pour le même Jean Ollivier. 

Ce grand scénariste omniprésent a écrit le dernier épisode de la série P’tit Joc d’André Joy (alias Gaudelette) qui décide d’abandonner le journal. (Écoeuré et révolté à la suite de l’invasion de la Hongrie par les troupes soviétiques en 1956, il va courageusement quitter seul la publication et une période d’incertitude professionnelle commence pour lui). Dans sa dernière aventure, il donne à Jim, complice de malfaiteurs, les traits de James Dean, icône mythique encore très forte.  


A la fin de l’année 1957, Ollivier commence à paraître le nouveau scénario de Wango, une nouvelle bande dessinée de Coelho. (Nous nous abstenons de citer tous les personnages futurs, et ils sont nombreux, de Loup noir au Docteur Justice, créés par le même scénariste pour Vaillant ou pour Pif)

C’est aussi Jean Ollivier qui livre des textes et des nouvelles sous les pseudonymes de Gilles Maugis, Pierre Lectoure, Bernard Amyot…  

                     Roger LÉCUREUX (ou LECUREUX)

Roger Lécureux n’est pas un scénariste moins prolifique et indispensable. C’est lui qui scénarise la « grande série d’anticipation » (à l’époque, il vaut mieux éviter l’expression « science-fiction » !), Les Pionniers de l’espérance  dessinée par Raymond Poïvet depuis  1945. C’est déjà depuis 1946 qu’il écrit les textes de « l’insaisissable » Nasdine Hodja, d’abord dessiné par René Bastard puis par Pierre Leguen dans les deux épisodes La Cité des lépreux et La Cité engloutie publiés en 1957. L’homme de la brousse Lynx imaginé par Lecureux dès 1947 a eu plusieurs dessinateurs. En 1957, c’est, après Paul Gillon, Claude-Henri Juillard qui l’anime dans Lynx et les hommes-lions et Le Lion de neige.


(Ici encore, nous devons nous abstenir de parles des futurs héros créés par Lecureux, de Fils de Chine à Rahan, déjà créé en 1958 sans succès pour Ima l’ami des jeunes, en passant par Teddy Ted ou Capitaine Apache…).



     

vendredi 20 octobre 2017

1957 Jean ACQUAVIVA explique la conception du western "Bill JOURDAN"

1957 Jean ACQUAVIVA explique comment s’est faite la BD
« Bill JOURDAN »

C’est dans Bayard le 9 septembre 1956, que Jean Acquaviva, sur l’invitation pressante du père André Sève, sous le pseudo de Pip, explique comme il a conçu, avec le dessinateur Loÿs Pétillot,  l’histoire en images (on ne dit pas encore bande dessinée), Le Carnet noir, les aventures western de Bill Jourdan et de son ami Sam.

  

Page 1 : C'est une des toutes premières fois qu'on explique la fabrication 
d'une bande dessinée en séparant le travail du 
scénariste-documentariste et celui du dessinateur.


Page 2 : du manuscrit revu et corrigé à l'impression dans le journal


Page 3





mercredi 18 octobre 2017

1957 Jean Acquaviva, un scénariste omniprésent dans "Bayard"

1957 Jean Acquaviva, scénariste omniprésent dans le journal « Bayard »

L’hebdomadaire de la Bonne Presse, Bayard, a amélioré ses qualités techniques en choisissant l’impression offset en 1956 et un plus grand format. Le journal continue de publier le chef-d’œuvre de Jean Quimper (alias le père André Sève, rédacteur en chef du journal), illustré par Pierre Forget : la bande dessinée médiévale, mâtinée de fantastique, construite autour de l’emblématique Thierry de Royaumont, aux aventures restées dans les mémoires et commencée par Le Mystère de l’émir et La Couronne d’épines. Elles se poursuivent en 1957 avec L’Ombre de Saïno (avant le dernier épisode  Pour sauver Leïla).

Le père André Sève (alias Père Marie Paul) est aussi Le Chevalier Noir et répond au courrier des lecteurs., il noue sans doute des liens particuliers avec Jean Acquaviva qui le dépanne parfois en pleine nuit quand il est à court d’inspiration pour Thierry de Royaumont. (Et pourtant, Acquaviva demeurera toujours pigiste et on sait que les éditeurs catholiques paient mal !).  
Les lecteurs de l’hebdomadaire catholique « Bayard » ne pouvaient pas soupçonner, à l’époque,  l’importance de cet homme à tout faire du journal.
En fait, il a fallu attendre la publication de l’excellente « revue d’informations et d’études sur la B.D. » : « HOP ! » en mars 2007, pour mesurer l’importance du critique, rédacteur et scénariste Jean Acquaviva, présent sous divers pseudonymes.
  Eu égard à son passé, on comprend que l’homme né Antoine Graziani (1924-2015) ait eu recours à des noms d’emprunts pour sa carrière d’auteur.
Dans « Bayard », il est Saint-Alban (pseudo repris au rédacteur Couttaz qui a quitté le journal en 1952) pour tout ce qui touche le cinéma (récits de films et « La Grande aventure du cinéma). En 1957, 26 films sont racontés dont Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse, Davy Crockett contre les pirates de la rivière,  Sissi, La Loi du seigneur, Sur la piste de l’Oregon


Il est Jean Acquaviva pour ses talents de scénariste et de créations dessinées par Alain d’Orange (Banda Tanga, Uranium et Hiawatha II, avant 1957), Larraz pour Stop au signal rouge (il rédige les dialogues), Loïs Pétillot (Yvan de Valdaï en 1956 d’après un roman de R. Hédouin, le western « Bill Jourdan » dès 1956, avec les épisodes Le Carnet noir et Tombstone, publiés en partie en 1957. (Grâce aux éditions du Triomphe, cinq épisodes ont été réédités de 1998 à 2007, dont La Mission de Vapahana, L'Or de Bananza-City, Le Désert de la mort). Bill Jourdan, l’USMarshal et son guide le vieux prospecteur Sam auraient pu influencer Giraud dans sa  création du lieutenant Blueberry et son compagnon Mac Clure (selon Henri Filippini).  
       
  C’est aussi Jean Acquaviva qui crée la grande aventure d’anticipation scientifique, Tony Sextant, dans Chevalier de l’espace, dessinée par Julio Ribera de juillet 1957 à juin 1961. Cette publication de cette anticipation réaliste débute la semaine même où les Russes envoie le satellite Spoutnik 1 dans l’espace alors que le jeune savant Tony Sextant participe à la construction du satellite artificiel Séléné 1.


  Sous le pseudonyme de Jean-Simon Rutalais, Antoine Graziani publie dans Bayard à la fois des contes et des nouvelles dont « Quelle fameuse équipe » le 8 septembre 1957 et des articles ou travaux divers. C’est sous ce pseudo qu’il signe les adaptations des bandes italiennes telles que Hiawatha (1954-1955), Goéland rouge (1955), Le Trésor de Kon Tiki (1955), La Clé d’Antar (1956), Les Flèches rouges (1957-1958), A l’assaut du K2 (1957) Tenzing, le roi des tigres (1957)  deux histoires dessinées par De Luca.
  Il signe Pierre Mérou les articles sur L’Exploration sous-marine (1954), ou Les Indiens (15 chapitres en 1955 qu’il illustre lui-même), l’adaptation du film de Kurosawa, Les 7 samouraï  (BD dessinée par Pierre Forget de juillet 1956 à mars 1957).  


Jean Acquaviva a sans doute apprécié de travailler avec Loÿs Pétillot, un autre pilier du journal, capable de tout dessiner et avec Pierre Forget qui anime aussi Mic et Mac de Petit-Duc (avant de partir graver des timbres-poste).



  Je ne dirait rien des futurs Procopio adapté par Pierre Mérou, ni de Pascal et Michèle Monfort, une série née aussi dans Bayard. En revanche, on peut rappeler que Jean Acquaviva a écrit le scénario d’une aventure de Jerry Spring de Jijé, Les Trois barbus de Sonoyta, parue dans Spirou en 1957-58.     

mardi 17 octobre 2017

1957 Presse des jeunes 2 Récits complets, petits formats et albums souples

1957 La presse des jeunes (2) Les récits complets, les petits formats et les albums souples 

Récits complets très populaires, petits formats fort nombreux et albums souples très répandus parce que peu coûteux constituent la cible des choix des pédagogues et des censeurs. Ils ont été très lus et très échangés bien que leur présence soit alors interdite dans les cartables. 
Comme nous l’écrivions dans Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle, en 1957 : « Alors que le western et les thèmes d’aventure séduisent tout particulièrement les garçons, les histoires d’Indiens et de cow-boys sont fortement rejetées par les filles qui privilégient encore, surtout entre 7 à 10 ans, les contes de fées et, pour les plus âgées d’entre elles, les histoires d’orphelines et d'enfants malheureux. Les histoires de jungle, surtout fréquentes dans les récits complets de bande dessinée, précèdent dans les goûts des garçons, celles qui mettent en scène des animaux familiers, celles que l’on rencontre en majorité dans Le Journal de Mickey, et les récits héroïques de corsaires et de flibustiers, juste avant ceux qui touchent la chevalerie, suscitant l'indifférence à partir de 11 ans. De ces quatre thèmes, les deux premiers sont ceux qui laissent le moins les filles insensibles alors que les histoires maritimes et les exploits des chevaliers suscitent un rejet, surtout à partir de 11-12 ans. Pour l’instant, la science-fiction et le fantastique, du moins avant 10-12 ans, sont à peu près négligés puisque l’on s’en remet surtout au merveilleux traditionnel du conte et de la légende. Les histoires s’inspirant de l’actualité sont rares ». 
La science-fiction et le fantastique, du moins avant 10-12 ans, demeurent suspects car éloignés de la réalité (sauf dans les fascicules Artima). On s’en remet surtout au merveilleux traditionnel du conte et de la légende mais le développement des missiles et le lancement des satellites russes Spoutnik 1 et Spoutnik 2 en 1957, changent la donne même si l'on souhaite privilégier l'anticipation scientifique.

                        Une forte présence des thèmes du western

Récits complets (fort nombreux) :   
a) ceux du groupe ARTIMA (mensuels) Nouveaux titres en 1957 !
MYSTIC (1957-1959) ; PANDA (1957-1959) ; SPOUTNIK (1957-1960) ; VENGEUR (1957-1958) 


"Artima" : le récit complet en B.D. toujours très populaire
Le grand éditeur de province, sous la direction d’Émile Keirsbilk, est sans doute Artima (ARTisans en IMAgerie) de Tourcoing, éditant dès 1948 par des séries de récits complets. Après l’abandon, en 1952, du format à l'italienne pour le format « français », naissent ses fameuses nouvelles séries aux couvertures mémorables et éclatantes de couleurs, illustrant de nombreux genres. Ce furent d’abord en 1952, Ardan, Audax, Aventures film, riche en westerns (un genre présent aussi dans Tex Bill, dessiné par René Melliès). Il y eut aussi Dynamic et Tony Cyclone, une mémorable histoire d’aviation. En 1953 naît la série de science-fiction la plus connue et la plus recherchée par les collectionneurs : Météor (due aux frères Raoul et Robert Giordan). Ce même genre de récit qui provoque la colère injustifiée des censeurs face à des récits jugés « invraisemblables » est encore présent dans Atome Kid, Cosmos et, dès la fin de 1957, dans Spoutnik. Jungle, histoire de l’Ouest et guerre sont présentes dès 1954 avec la naissance de Tarou, une sorte de Tarzan débonnaire. Red Canyon (pour le western) et Vigor. Fulgor (1955-58),  Foxie (1956-1985), Hardy (1955-58) et Tempest précèdent la création de Panda (1957-1959), Mystic et Eclair. Les auteurs français Brantonne, Le Rallic, Melliès, Bob Dan (Dansler)… côtoient les frères Giordan et d’autres dessinateurs étrangers.

         b) les westerns : JOHNNY TEXAS (1956-1960) ; KANSAS KID (Nat présente...) (54-1959) ; PETIT SHÉRIFF (1950-1958) ; OLD BRIDGER (1956-1963) ; RANCHO (sept. 1954-janv. 1958)…

         c) les autres :  BANKO (1955-58) ; GARRY (1948-1964) ; BIMBO (1954-63) JEUNESSE JOYEUSE (1955-64) ("Le Journal de Bibi Fricotin" en 1965) ; JOYEUSE LECTURE (mars 1956-mars 1963) deviendra "Pschitt Junior" ; MISSIONS SECRÈTES (57-59) ; MOUSTACHE ET TROTTINETTE (56-60) ; PETIT RIQUET REPORTER (48) ; PSCHITT AVENTURES (57-58) ; PIM PAM POUM (1955-1961) ;  SANS PEUR (3e série : 1951-1961) ; TOM ET JERRY (1953-1961).



Les petits formats : AIGLE D'OR (mensuel né en 1956), AVENTURES DE DEMAIN (56-58), BATTLER BRITTON (depuis juil. 58), BIG HORN (1957-1960), BUCK JOHN (depuis sept. 1953), BUNNY (suite de Bugs Bunny), CASSIDY (1957-1964), DAKOTA (1954-1960), DICKY LE FANTASTIC (1957-63), FOX (1954-1959), FOXIE (depuis oct. 56), HONDO (1957-1966), KIT CARSON (depuis 1956), KIWI (depuis sept. 55),  PEPITO (1954-1966 ; 2 séries), PIKO (1955-1962), PIPO (1952-1961), ROCAMBOLE (54-65), SUPER BOY (depuis 1949), ROICO (54 ....), TARTINE (Dep. déc. 56), CAMÉRA (55-66) (suit "34 Caméra"), KIT CARSON (1956-1986), RODEO (depuis 55), TEX-TONE (depuis mai 57), TOTEM (1956-1960), ZORRO (1953-1980), DENNIS (1956-1962).


Notons les présences de Calvo (décédé en octobre 1957, de Pierre Lacroix (Bibi Fricotin), de Jean-Claude Forest (Charlot)... 

Les albums souples bon marché :
a) de la S.P.E. : AGGIE, BIBI FRICOTIN, CHARLOT, L'ESPIÈGLE LILI, HERCULE MALABAR, MIKI, LES PIEDS NICKELÉS.

b) Éditions Rouff : BAMBOULA, BISCOTTO, MARMITON, BOUCLETTE (52-60), KADÉPUCE, LAMALICE ET GOURDIFLO, PIP ET JOC, POUCETTE (1933-59), ZIGOTO (1950-1958).


1957 La presse des jeunes Tableau sélectif et première approche

                                            LA PRESSE DES JEUNES EN 1957




1 Presse commerciale et distractive accordant une grande place à la bande dessinée : des journaux qui marquent un certain essoufflement. Fin d’une embellie ?               
    Pour les petits : RIQUIQUI LES BELLES IMAGES  (1951-1968) (Éd. Vaillant)
                            ROUDOUDOU LES BELLES IMAGES  (1950-1968) (Éd. Vaillant)
                            PIPOLIN LES GAIES IMAGES (1957-1963)  (Éd. Vaillant)
                                            PERLIN ET PINPIN (1956-1980) (Fleurus, Union des Œuvres)
a) pour les garçons :
            Disparitions de Coq Hardi (devenu "Cocorico")  et de Pierrot en 1957
            - Le Journal de MICKEY (H) (1934, puis 1952) (Opera Mundi,  Paul Winkler)
            - VAILLANT (H) ("Jeune Patriote" en 1945) (PIF-GADGET en 1969).
            - HURRAH (1935- 1942 ; 1951-1959 : "Hurrah Magazine") (Del Duca)
            - L’INTRÉPIDE (H) (de 1910 à 1937; 1948-1949 ; puis de 1949 à 1962 (Del Duca)
            - BENJAMIN "Jeunesse actualité" (H) (1929-1939, 1952-1958) (Hachette)
            - NANO ET NANETTE  (Les Belles histoires de...) (mai 55- fév. 66) (Ed. Mireille)
            - COCORICO Le Magazine de l’aventure Mensuel (ex Coq Hardi) (Ed. de Chateaudun)
            - PIERROT « Nouvelle Série » Mensuel (Août 1956-Décembre 1957) (Ed. Montsouris)
Presse d'origine belge (École de Bruxelles et École de Charleroi)
            - SPIROU Magazine (H) (1938 ; 1946 pour la France) (Dupuis)
            - TINTIN (H) (né en 1946 en Belgique, en 1948 en France) (Dargaud)
            - JUNIOR (H) (« Tintin du pauvre », 1953-1979) ("Chez nous" en 79).

           
b) pour les filles:
            - LISETTE (H) (1921-1942, de 1946 à 1964) (Ed. Montsouris)
            - FILLETTE (H) (de 1909 à 1942, puis de 1946 à 1964) (S.P.E.)
            - LA SEMAINE DE SUZETTE (H) (1905-1940, 1946-1960) Gautier-Languereau
            - MIREILLE (BM puis H) (de 1953 à 1964) (Éd. Mireille)
            - LINE (H puis BM) (de mars 55 à déc. 63) (Dargaud) (le "Tintin" des filles)


2 Presse appartenant à des groupes de presse d'inspiration religieuse : Des titres qui existaient parfois avant la guerre. (FLEURUS et BONNE PRESSE)
- FRIPOUNET ET MARISETTE (H)  (1945-69) Fleurus (G. & F.), deviendra "Fripounet"
adopte le format 21*29, au lieu de 27*37, le 27/10/1957, au n° 43.
- CŒURS VAILLANTS (H) (1929-1944) (1946-oct. 1963) Fleurus (Garçons)
adopte le format 21*29, au lieu de 27*37, le 27/10/1957, au n° 43.
- ÂMES VAILLANTES (H) (1937-1944; 1946-1963) Fleurus (Filles)
adopte le format 21*29, au lieu de 27*32, au n° 43 de 1957.
- BAYARD (H) (1936-1940 ; 1946-1962) deviendra "Record"  (Bonne Presse)
- BERNADETTE (H) (1923-1940 ; 1946-1963) deviendra "Nade" (Bonne Presse)
- TERRES LOINTAINES (depuis 1952 jusqu’au début du 21e siècle (C. I. D. Éditions)

3 Presse de la Ligue de l'Enseignement et des Francs et franches camarades :
- FRANCS-JEUX (1946-1979) (En 1954, 1 filles, 1 garçons) (Ed. SUDEL) 
- TERRE DES JEUNES (1948) (Ed. SUDEL) 
- JEUNES ANNÉES MAGAZINE (1953) (Francs et Franches Camarades)  
- AMIS-COOP en 1957 (remplace L’AMI COOP) (M) (1953-1990) (O.C.C.E.)


4 Presse liée à la publicité
- KIM (M) (1952-1968) (« petits amis de Shell ») 
- PISTOLIN (1955-1958) (chocolat Pupier) 
- IMA, L'AMI DES JEUNES (M, puis BM, puis H) (1955-1958) (bons-primes) 
- MILLAT FRÈRES MAGAZINE  (Pâtes Millat Frères)

La jeunesse du baby-boom, celle qui naît entre 1945 et 1953, peut sembler choyée par l’Histoire puis qu’elle échappe en France aux guerres et bénéficie du début de la croissance économique des « Trente glorieuses ». N’oublions pas pourtant que des séquelles des derniers conflits demeurent comme semblent le montrer les cris d’alarme de l’abbé Pierre et la distribution de lait dans les écoles en 1954-1955.
Cette jeunesse nombreuse (plus de 800 000 naissances en France à partir de 1946), qui marque « la montée des jeunes » et appartiendra à « la nouvelle vague » (décelée par Françoise Giroud dans L’Express en octobre 1957) est  plutôt préservée et chanceuse. Autant dans les livres que dans  la presse pour jeunes, elle est encore tenue éloignée des drames de l’actualité (et dans quelques années, le courant « yéyé » fera perdurer le phénomène).
Les publications pour la jeunesse sont très nombreuses en 1957, plus de 150 titres. Si les hebdomadaires demeurent importants (deux fois que les bimensuels), les mensuels sont les plus nombreux (89 titres). Les enfants du « baby-boom » commencent à avoir un peu d’argent de poche, ce qui leur permet d’acheter eux-mêmes leur journal préféré qu’ils échangent volontiers avec ceux de leurs camarades mais 40 % des enfants sont abonnés à au moins un journal. La presse commerciale et distractive illustrée domine mais elle reste très critiquée par les « spécialistes », les associations familiales, les bibliothécaires, les enseignants et les responsables des mouvements de jeunesse parce qu’elle privilégie la bande dessinée. Ce serait une erreur de croire que la loi de censure du 16 juillet 1949 provoque un vieillissement et un déclin de la presse des jeunes. Les journaux ont vite fait de s’adapter et d’utiliser les multiples talents des nouveaux créateurs qui ignorent cette loi ou font mine de l’ignorer tant que le rédacteur en chef ne les rappelle pas à l’ordre. Au grand dam des éducateurs et des censeurs de tout poil, les images (que l’on ne nomme pas encore « bande dessinée ») occupe la majeure partie des « illustrés » et magazines pour la jeunesse. Des esprits tatillons calculent scrupuleusement le pourcentage des magazines occupé par ces images d’une jeunesse sous surveillance, pour en dire le plus grand mal. Rappelons que la loi du 16 juillet 1949 a pour objectif essentiel (sans aveu explicite) de s’en prendre à ces magazines illustrés (les romans et les textes étant généralement ignorés par la commission de censure) en prétendant défendre la production francophone contre les produits américains ou italiens.
En suivant ce principe simpliste, on a vite fait d’établir que le journal le plus éducatif est celui qui accorde la place la plus infime aux BD. Certains ont vite fait d’en déduire que c’est le journal Benjamin qui remplit le mieux ces conditions puisque c’est lui qui publie le plus de textes. Il est vrai que Georges Bayard, futur créateur de la série « Michel » en 1958, trouve un lectorat pour des romans à dominante policière, comme Bateau-Stop publié en 1957.
Mais le journal Benjamin Jeunesse Actualité, renaissant de décembre 1952 à novembre 1958, avec le parrainage d’écrivains et d’intellectuels (peu sensibles aux aventures belliqueuses de Biggles) rend surtout compte d’une actualité aseptisée et anecdotique accessible aux jeunes lecteurs. Pourtant en 1957, deux auteurs et pas des moindres, puisqu’il s’agit de René Goscinny et d’Albert Uderzo, y publient la bande dessine Pigeon vole, un épisode de la série « Benjamin et Benjamine ». La bande paraît même en 1ère page le 7 juillet 1957. Une exception.

  Une exception à la Une de "Benjamin" : une bande dessinée de Goscinny et Uderzo 

D’autres journaux font semblant de traiter de « l’actualité » (Comme Tintin,  Cœurs Vaillants…) mais les sujets abordés sont anodins et anecdotiques. Pas un mot sur la guerre d’Algérie (qui est d’ailleurs encore une guerre sans nom mais pas sans massacres). Pourtant en cette année 1957, les atrocités dans les deux camps et les tortures atteignent un degré ultime au point que des personnalités comme François Mauriac, Germaine Tillion ou Pierre-Henri Simon s’en émeuvent dans leurs ouvrages respectifs.
L’actualité pour la jeunesse se concentrera sur le sport (la montagne et la mort des alpinistes Vincendon et Henry sur le mont Blanc, le cyclisme quand Anquetil gagne son 1er Tour de France, le football et la boxe quand Alphonse Halimi gagne un titre mondial, les innovations techniques : automobile, aviation (l’Atar en vol vertical, le biréacteur Caravelle) et marine (Sous-marin Nautilus, bathyscaphe F.N.R.S 3), espace… avec en point d’orgue le lancement en octobre 57 du satellite soviétique artificiel Spoutnik 1
Les plus attentifs remarqueront les suites fâcheuses de l’invasion de la Hongrie par l’URSS, le Traité de Rome qui instaure la CEE, la réouverture du canal de Suez et les émeutes racistes dans l’Arkansas.
La jeunesse du baby-boom, en 1957, est encore celle de l’imprimé, de l’image et de la radio (même si aucune émission ne leur est encore vraiment  destinée, sauf « pour ceux qui aiment le jazz »). A l’époque, c’est souvent le chef de famille qui décide des émissions … sauf pour les jeunes qui sont détenteurs d’un poste à galènes qu’ils ont souvent fabriqué eux-mêmes. Le nombre de postes de radio est passé de 5 millions en 1945 à 10,1 millions en 1957. Quant au poste à transistors, il n’en est qu’à ses débuts ! Précisons que la télévision est en retard en France. Outre le prix exorbitant d’un récepteur, notons qu’il y a moins de 700 000 postes en 1957 et beaucoup de régions ne disposent pas des relais nécessaires pour capter les émissions.