samedi 27 décembre 2014

Coup de rétro sur 2004 : fictions pour la jeunesse il y a dix ans (1)

COUP DE RETRO SUR 2004 : fictions pour la jeunesse (1)

A la fin de cette année 2014, il semble intéressant de jeter un coup d’œil de dix ans en arrière afin d’offrir un bref panorama nécessairement subjectif des fictions offertes à la jeunesse en 2004. Il faudrait un ouvrage complet pour tenter d’être exhaustif tant la production d’ouvrages est riche et variée. Dans le cadre d’un blog, nous préférons donner à voir à partir de couvertures de livres, d’albums et d’affiches de films. 
L’évolution de la littérature jeunesse n’a rien d’une histoire de Bisounours.
L’édition pour la jeunesse, semblable dans son fonctionnement à l’édition pour adultes, en adopte les qualités et les défauts, tels le taux de rotation élevé, surtout pour les « poches », les retours rapides et la baisse générale des tirages résultant de la progression inflationniste des nouveaux titres. Le stade artisanal a disparu depuis longtemps, sauf chez de très petits éditeurs, comme se sont effacées presque toutes les « maisons » d’édition à caractère familial au point que l’on parle de plus en plus d’une « édition sans éditeurs ». L’édition jeunesse est, elle aussi, devenue une industrie, avec sa logique impitoyable et ses contraintes. Les utilisations du management et des techniques de marketing ou de promotion sont de plus en plus présentes, tant dans le domaine des journaux juvéniles que dans celui des livres jeunesse. La tendance à l’internationalisation et la recherche de nouveaux marchés, accentuant industrialisation et commercialisation, sont aussi à prendre en compte.
Dans un monde économique voué à une concentration qui échappe, semble-t-il, au volontarisme politique, le livre, s’il reste d’essence culturelle, est non seulement devenu une « marchandise », un pur produit de « l’industrie culturelle » mais il est pieds et poings liés à un phénomène mondial irréversible, résultant du modèle américain, alliant culture et communication, comme chez le groupe duopolaire Hachette Livre-Lagardère et Vivendi Universal, (devenu Editis) qui détiennent, à eux deux, les deux tiers du marché.


En 2004, dans le domaine de l’édition, l’un des faits les plus marquants est le rachat en janvier des éditions du Seuil, vieille dame septuagénaire par Hervé de La Martinière, éditeur depuis 1992.
Le rachat de Dupuis par Média Participations ou celui de Milan par Bayard n’a pas entraîné un tel  mouvement de stupeur  ou d’émotion.
En effet, en juin 2004, la holding Média-Participations (dont Axa et Michelin sont actionnaires) et qui édite Rustica, Mango, Fleurus Jeunesse, (sans la presse), Mame, possède déjà les éditeurs de B.D. : Le Lombard, Dargaud, Blake et Mortimer et Kana. Elle rachète les éditions Dupuis. Son directeur Vincent Montagne se déclare très intéressé par la bande dessinée.
En mai 2004, Arnaud Lagardère, écartant les éditeurs Gallimard et Médias-Partipations, vend 61 % de VUP, (baptisé Editis en octobre 2003), pour 660 millions d’euros, à la holding Wendel Investissement, groupe d’investissement purement industriel, dirigé par le baron Ernest-Antoine Seillière, encore à l’époque patron des patrons puisque président du Medef. Le baron devient propriétaire de Plon-Perrin, Robert Laffont, Juillard, Belfond, Nil, dans le domaine du poche :  10/18, Pocket et Fleuve noir, plus Les Presses de la Cité, Les Presses de la Renaissance, Solar, Syros, La Découverte. C’est aussi dans le domaine scolaire, Armand Colin, Bordas, Larousse, Retz, Le Robert. C’est encore Univers-Poche et Nathan dans le double domaine scolaire et édition jeunesse.
Plus que jamais, l’édition, comme la presse, est sous le contrôle de l’industrie, (en particulier de celle des armes), et de la finance… L’accord se fait probablement avec l’accord du pouvoir en place.
Hormis quelques réserves syndicales ou du parti socialiste, les réactions sont timorées et ne suscitent ni débat, ni protestation.
Ajoutons que Lagardère, grâce à Hachette Filipacchi Médias, dirige un important empire de presse (magazine, jeunesse, féminine, régionale), face à son concurrent Dassault, groupe industriel très présent, tout comme lui, dans l’armement, lequel groupe Dassault détient la Socpresse à 82 % et Dassault Communication à 100 %.
Mourad Boudjellal, fondateur des éditions Soleil, qui a connu en particulier le succès avec les bandes dessinées Rahan, (rééditées) ou nouvelles comme Lanfeust de Troy, s’associe avec Antoine Gallimard, TF 1 et le Musée du Livre.

En 2004, tout en continuant de bénéficier des récits d’Evelyne Brisou-Pellen, Jacqueline Mirande, Bertrand Solet, Alain Surget et Odile Weulersse, le roman historique s’enrichit des participations de Marie Amaury, Philippe Barbeau, François Charles, Michel Cosem, Stéphane Descornes, Anne-Marie Desplat-Duc, Anne-Marie Dubosc, Jo Hoestland, Arthur Ténor...         
La fantasy, un genre en plein essor bénéficiant surtout de « l’effet Harry Potter », est illustrée en France par Eric Boisset, 1Pierre Bottero, Audrey Françaix, Anne-Laure Bondoux, Serge Brussolo, Erik L’Homme, Luc Besson, Hervé Jubert, Sophie Audoin-Mamikonian, Emmanuel Viau, Thomas Lavachery...
La science-fiction juvénile qui ne se porte pas très bien malgré les efforts de Denis Guiot qui dirige « Autres mondes » et va perdre Jean-Pierre Hubert en 2005, résiste grâce à un noyau dur et fidèle composé de Fabrice Colin, Gilles Fontaine, Christophe Lambert, Danielle Martinigol, Nathalie Le Gendre, Erik L’Homme, …  Le policier pour jeunes inspire de nombreux auteurs. En se limitant aux écrivains francophones, citons Brigitte Aubert et Gisèle Cavali, Claudine Aubrun, Hubert Ben Kemoun Marie Bertherat, Evelyne Brisou-Pellen,, Stéphane Daniel, Christian Grenier, Michel Honaker, Anthony Horowitz... Ajoutons Yves Hugues, Alice Hulot, Michel Laporte, François Librini, Catherine Missonnier, Lorris Murail,  Béatrice Nicodème, Jean-Paul Nozière, Jean-Hugues Oppel, Alain Paris, Noël Simsolo et Bartyrand Solet.
Dans le roman « généraliste » ou pour « ados », on remarque Jacques Asklund, Jeanne Benameur, Pierre-Marie Beaude, Anne-Laure Bondoux, Jean-François Chabas, Guillaume Guéraud, Xavier-Laurent Petit…. Ajoutons, par exemple, Alex Cousseau, Didier Daeninckx, Marie-Hélène Delval, Anne-Marie Pol et Françoise Reynaud…
N’oublions pas une abondante production d’albums illustrés et d’albums de bandes dessinées, les journaux et magazines d’une presse très variée, couvrant toutes les tranches d’âges et de nombreux films visibles par tous les publics.  
Si les optimistes se réjouissent d’une offre aussi variée et d’une vitalité qui ne manifeste aucun signe général de ralentissement, les pessimistes s’inquiètent de la production vertigineuse, en perpétuelle expansion, d’une « machine » qui semble « portée à blanc », tant le nombre de titres enfle régulièrement.
Engagée dans une fuite en avant que personne ne maîtrise, l’édition qui publie 52 000 nouveautés et nouvelles éditions en 2004, contre 35 000 en 1997, (dont un tiers de la production consacré à la littérature générale et environ 10 000 ouvrages dans le rayon jeunesse), poursuit sa course folle et sa fuite en avant, provoquant la baisse des tirages de chaque ouvrage, sauf pour les best-sellers largement médiatisés, au risque de tout écraser sur leur passage...


(Pour aller plus loin que ce résumé succinct, se reporter à mon essai : Littérature de jeunesse et presse des jeunes au début du XXIe siècle, L’Harmattan, 2008.)  

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