lundi 17 mars 2014

Tintin dans son journal en France en 1948

Le journal de Tintin en France, un événement parfois inaperçu en 1948




La presse des jeunes en cette année 1948 est dans un contexte difficile. On sait que se prépare la loi du 16 juillet 1949 sur les « publications pour la jeunesse » (déjà préparée depuis longtemps par les lecteurs militants de feu l’abbé Bethléem) et plusieurs journaux sentent si fort le vent du boulet approcher qu’ils préfèrent se saborder.
L’Astucieux, Francette, King-Kong, Mon Journal, Bob et Bobette et Les Aventures fantastiques, Le Journal de Bébé, Vaillante et Jeune Gars disparaissent. Parmi les récits complets, on ne verra plus Les Aventures fantastiques, Bob et Bobette édité par Dargaud et À l’assaut du ciel. 


C’est la rencontre entre Raymond Leblanc, éditeur et ancien résistant et Hergé, interdit de publier en septembre 1944, au lendemain de la Libération de la Belgique, qui a permis la naissance du Journal de Tintin « paraissant chaque jeudi » d’abord en Belgique, deux ans avant son arrivée en France. Le numéro 1 paru le  26 septembre 1946, tiré à 40 000 exemplaires, (épuisés en trois jours), est illustré en couverture par Le Temple du soleil de Hergé. Paraissent aussi les aventures de Blake et Mortimer de E.-P. Jacobs, L’Extraordinaire aventure de Corentin Feldoé de Paul Cuvelier. Raymond Leblanc fonde alors la nouvelle société des Editions du Lombard où seront publiés les albums tirés des bandes dessinées prépubliées dans l’hebdomadaire.


Cette apparition du Journal de Tintin dans le « plat pays » éclipse souvent l’arrivée en France de ce Journal de Tintin « le journal de tous les jeunes et de tous les amis des jeunes ». Il est édité par Le Lombard et Georges Dargaud, à Paris, au n° 60 de la Chaussée d’Antin, le 28 octobre 1948, soit deux longues années après l’édition belge, connue dans le Nord de la France par les messages publicitaires de la station Radio-Luxembourg. Ce fut pourtant un événement considérable tant il était attendu. Pourquoi ce retard ? Parce que le rival de Tintin n’est pas, comme on pourrait le croire son confrère belge Spirou, mais l’hebdomadaire catholique Coeurs Vaillants qui, sous la houlette de l’abbé Gaston Courtois diffusait en exclusivité les aventures de Tintin en France  depuis 1930. L’abbé Courtois exige que le nouveau journal ne fasse pas une concurrence déloyale au sien et fait tout son possible, selon Raymond Leblanc, pour faire échouer le projet d’implantation du périodique en France. Compte tenu de la façon plus que désinvolte dont Cœurs vaillants a publié de novembre 1947 à janvier 1949, les planches « massacrées », découpées n’importe comment, dotées de couleurs inadéquates de l’épisode Le Temple du soleil (parfois nommé Le Soleil du temple !), on comprend qu’Hergé ne publiera plus dans le journal Cœurs vaillants.     


Pour le prix de 15 francs, les petits Français découvrent neuf séries de bandes dessinées. Outre la première planche de L’Or noir et celle des aventures de Jo, Zette et Jocko dans Le Stratonef H. 22. de Hergé, des bandes dessinées réalisées par Edgar P. Jacobs pour les aventures de Blake et Mortimer (Le Secret de l’Espadon), Paul Cuvelier (L’Extraordinaire odyssée de Corentin Feldoë), Jacques Martin (Alix l’intrépide), Jacques Laudy (Hassan, le Voleur de Bagdad), les aventures de deux gamins de Bagdad et une bande anonyme de Salomone, La Princesse Zulimah. Leclerc, soldat de légende (en couverture) est une histoire illustrée par Etienne Le Rallic et il reste sept pages de rédactionnel adapté aux goûts des Français pour compléter le magazine de 16 pages. Il faudra de longues semaines de patience pour que les nouveaux lecteurs puissent connaître le dénouement des histoires distribuées au compte-goutte (à raison d’une planche par semaine), sans compter les interruptions.

(Présentation surtout extraite de « Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle, L'Harmattan, Edition 2014 », page  140.


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