vendredi 10 août 2012

Collection "Heures joyeuses" (Rageot) (1)



La collection "Heures joyeuses" des Editions Rageot (1)

Voici un nouveau chapitre, en trois parties, relatif au "Cercle des collections disparues" du rayon jeunesse.

C’est surtout grâce à un article fouillé et très bien documenté de Jean-Claude Le Dro,  intitulé : Georges et Tatiana Tageot : les débuts des éditions de l’Amitié-GT Rageot, que nous connaissions mieux la collection « Heures joyeuses ». Cet article est paru en 2007 dans les pages 211-224 du numéro 21 de l’excellente revue Cahiers Robinson, imprimé sur les Presses de l’Université d’Artois.    
Polyglotte et traductrice, Tatiana Rageot, fille du philosophe russe Léon Chestov, et son mari Georges (1901-1950), ancien directeur commercial chez Hachette, prisonnier en 1939, libéré en 1941, avaient d’abord créé la collection "Heures joyeuses" pour la jeunesse, chez Aubier en 1934.
Le couple fonde en 1941 la S.A.R.L. des Editions de l'Amitié-G.T. Rageot et reprend la collection "Heures joyeuses", en récupérant les invendus des quelques titres parus chez Aubier. Si tous les livres ont le même format (18*11,5 cm), en revanche la pagination est très variable  (de 160 à 351 pages). Les premiers livres publiés à partir de 1942 sont surtout des récits de l’auteur anglais Arthur Ransome et d’auteurs allemands, comme Karl Oppel, Max Mezger, Fritz Steuben et D F. Weinland, G.-A. Ihering (Le Trio de St-Florian), H. Queling (En route pour l’Himalaya).
L’ouvrage qui porte officiellement le numéro 1 : La Mouette des mers de T-H. Johansen est d’origine norvégienne. C’est le plus fort tirage de la collection : 43 030 exemplaires. Il raconte « l’aventureuse campagne de pêche d’un mousse norvégien », au Groenland et au Canada.

Des auteurs allemands, en particulier Fritz Steuben

Dès 1942, on remarque donc plusieurs récits traduits de l’allemand. D’abord, Le Capitaine Magon de Karl Oppel (datant de 1926 et qui s’appuie, avec plus ou moins de vraisemblance, sur le périple du Carthaginois Hanon. Notons qu’en 1975 était déjà paru en France : Les Aventures du Capitaine Magon ou une exploration phénicienne mille ans avant l’ère chrétienne de Léon Cahun).
Monique à Madagascar de Max Mezger, écrit en Allemagne en  1931, dans le fond Aubier en 1935, reparaît en 1942. Le livre raconte surtout comment une fillette découvre la grande île de l’Océan Indien, en compagnie du jeune malgache Bévava.  
Sont aussi parus plusieurs autres récits traduits de l’allemand. Rulaman de F. Weinland (en fait, David Friedrich Weinland) est un récit préhistorique évoquant les tribus qui habitaient « de sombres cavernes, perdues au sein d’immenses forêts », près du lac de Constance. On prédit à Rulaman, fils de Rul, chef d’une tribu des Aïmates, qu’il deviendra un chef tout-puissant. Or, un sort tragique l’attend et les tribus seront attaquées par des envahisseurs, les Celtes, techniquement plus avancés dans la fabrication des outils et des armes    

Les exploits du chef indien Tecumseh

L’auteur le plus traduit est Fritz Steuben (alias Erhard Wittek), un auteur qui, selon J.-C. Le Dro, aurait d’abord « écrit sous l’influence de l’idéologie nationale-socialiste ». Sur huit volumes dont sept volumes ont été traduits dans la collection, racontent les aventures indiennes du chef indien Tecumseh. L’auteur a illustré lui-même quatre volumes.
« Grand chasseur, guerrier invincible et orateur admiré », il devient 
Flèche volante (1942) dans un premier récit qui évoque le premier combat, le premier scalp et l’existence quotidienne de l’adolescent hardi. Le volume suivant : Pieds-Agiles et Fille-à-L’Arc (1943) s’attarde surtout sur « les jeux et téméraires exploits d’une bande turbulents gamins dans une village d’Indiens Shawanos ». Dans Ouragan rouge (1943), « un récit de la première guerre des Indiens pour l’Ohio raconté par d’anciens documents », le personnage principal est Cornstalk (représenté en couverture), le chef suprême des Indiens Shawanos, lesquels Indiens luttent contre les Blancs, envahisseurs de leur patrie.
Dans Tecumseh le puma (1946), alias Flèche Volante, le chef de guerre des Shawanos est devenu « maître de l’ordre des chiens », l’association secrète des jeunes guerriers de sa tribu. Il veut reconquérir le Kentucky et obtenir un traité.
Paraîtront encore Etoile rayonnante (1946) (quand Tecumseh invoque Nanabozho, dieu du soleil et protecteur des chasseurs rouges)  et en deux tomes, en 1951, Le Fils du manitou. Le volume concernant La Mort de Tecumseh n’est pas paru.
Il est évident que les livres de l’Allemand Fritz Steuben, racontant la vie de Tecumseh, sont beaucoup moins connus en France que ceux de l’Allemand Karl May, narrant les exploits de Winnetou.    


Un auteur anglais fort justement privilégié : Arthur Ransome

Arthur Ransome (1884-1967) est présent avec sept titres, traduits et publiés de 1945 à 1951. Hirondelles et amazones (Swallows and Amazons, traduit chez Aubier en 1935, repris en 1945), premier roman d’une série de douze, certains n’étant pas traduits, n'évoque guère par son titre le campement sur une île déserte, et Le Vallon des hirondelles. En fait, « Hirondelles » est le nom du bateau des enfants Walker : Jean, Suzanne, Micky et Roger (John, Susan, Titty et Roger dans la version originales) et les « Amazones », ce sont Marion et Margot Blackett (Nancy et Peggy Blackett dans la version originale). Ces enfants de sept à treize ans qui, se font d’abord la guerre avant de sceller une alliance durable, vivent des vacances joyeuses et mouvementées, en pilotant des bateaux à voile sur un lac anglais et en faisant du camping sur une île. C’est un des plus fort tirages de la collection : 41 000 exemplaires.
Le Vallon des Hirondelles (1946, quand les « Hirondelles » passent du statut de navigateurs à celui d’explorateurs), comme l’ouvrage précédent,  est illustré par Clifford Webb, tandis que tous les autres récits seront illustrés par Arthur Ransome lui-même.
Hirondelles dans la neige (1946) évoquant de mémorables vacances de Noël, précède Le Trésor de Peter Duck (1947), quand « Hirondelles » et « Amazones » sont à la recherche d’un trésor dans les mers du Sud.  Ce récit est publié la même année que Le Club des Foulques. Au début du récit, Dorothée Callum et son frère cadet Dick font la connaissance d’un garçon aux connaissances étonnantes : Tom Dudgeon A bord du yacht le « Chardon », Tom, le hors-la-loi, fuit ses persécuteurs, les Hurluberlus, à travers rivières et canaux du Norfolf.
Dans Pigeons voyageurs et chercheurs d'or (datant de 1936, traduit en 1949),  « Hirondelles » et « Amazones » sont rejointes par Dorothée Callum et son frère cadet Dick, dans la région des lacs.  Un vieux tunnel s’effondre et un incendie menace de ravager la lande…
Dernier récit publié en 1951, Nous ne voulions pas aller en mer est un fort volume de 325 p. On peut s’étonner que les traductions des ouvrages d’Arthur Ransome ne soient pas plus nombreuses en France.

Les premiers auteurs français publiés


André Noël, connu surtout pour ses romans scouts et, plus tard, pour quelques récits historiques, figure parmi les premiers auteurs français publiés. Après Châteaux en Auvergne (1944, deux chefs scouts doivent gagner leur brevet d’explorateur mais se heurtent à « un redoutable secret »), il propose Aux bois peureux (quand deux scouts aident une petite paysanne à ramener la paix dans sa famille) et Patrouilles dans la nuit (1945) : « un périlleux camp scout  en Auvergne » raconté dans son journal par le second des « Léopard », Milou, juste avant Les Compagnons de la feuille blanche. « pathétique histoire d’un apprenti papetier au pays d’Ambert ».
André Noël est aussi l’auteur de romans historiques comme L’Or de Delphes (souvent réédité : le jeune Ibar combat à Alésia aux côtés de Vercingétorix), et La Route de César. Les deux récits sont réunis en un seul volume en 1950. Notons encore, du même auteur, Le Pays du roi captif  (1946, deux écoliers parisiens s’embarquent à bord de  l’« El Dorado »).
Côté français, citons aussi Abeille d’Anatole France en 1942 (une histoire féerique, rare chez cet écrivain)  et plusieurs récits régionaux et folkloriques d’Alix de La Chapelle-d'Apchier, tels que Les Soirs de la Montagnère (1943) et Les Nouveaux contes de la Montagnère en 1944, des vieux contes populaires d'Auvergne (poursuivies plus tard dans Un vent sauvage souffle sur la montagne).
Outre la réédition de Salammbô de Flaubert, narrant la lutte de la grande cité phocéenne, Carthage, contre ses mercenaires, on note Sur les traces du « Pourquoi-Pas » de Geneviève Dardel, ou l'aventure de Charcot au Grand Nord revécue par quatre garçons… Maurice Boissais campe son récit sur fond de terroir lorrain, avec A l’ombre du mirabellier.
Entre 1944 et 1947, il faut encore signaler la parution de Fanch Lagadec tambour de la République (1944, l’épopée révolutionnaire d’un jeune breton) de Charles Chassé, Robert le diable de Thierry Sandre (1945, une légende médiévale), Andice et Guillot (1946, histoire berrichonne du temps des châteaux-forts) d’Hélène Schutzenberger, Le Château des douze peupliers (1946) d’Hélène Badan (une jeune française séjourne dans un château de Pologne), Les Cloches de Bruges (1947) de M. Doumerc (Joris, fils d’un drapier brugeois, suit son père à Venise), Herbedouce (1947) d’André Michel et Casse-Noisette (1947) d’Alexandre Dumas. 

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